« Ils cherchent des traducteurs pour la salle d’op, tu es intéressée ? » Tout a commencé par ce petit message WhatsApp que Jérémie m’avait écrit lorsque j’étais en ville pour faire une course. Je me souviens de cette boule de joie au ventre qui m’a instantanément saisie, et de ma réponse immédiate : « Ouiiiiiiii !!!!! ». J’ai reçu peu de temps après un dossier avec 20 pages de vocabulaire médical à apprendre, ainsi que des explications accompagnées de photos sur le type d’interventions auxquelles j’allais assister. De quoi me préparer un minimum.
Puis, il a fallu patienter. Entre ma réponse enthousiaste et mon premier jour au bloc se sont tout de même passé encore 4 semaines. En effet, on m’a expliqué qu’ils préféraient donner la place aux traducteurs locaux, mais que j’étais leur plan C, au cas où les plans A et B tombaient à l’eau.
Dieu merci (de tout cœur !), ils ont eu besoin de ce « plan C » !
Ali Baba n’a pas dû être plus enchanté que moi, après avoir prononcé son fameux « Sésame, ouvre-toi… ! ». Je suis tombée sur des trésors innommables derrière ces portes. Mes yeux ont découvert un univers dont je n’aurais pas soupçonné la merveille. Bien sûr, j’ai déjà vu des émissions à la télé, des séries comme « Urgences », « Grey’s Anatomy », « Dr. House » etc. Mais rien de tout cela n’arrive à la cheville de la fascination absolue que j’ai ressentie au bloc. Durant une semaine entière, je me suis sentie comme une VIP, aux premières loges, pour voir de véritables miracles s’opérer sous mes yeux.
Mon rôle consistait à traduire de l’anesthésiste anglophone à une jeune anesthésiste francophone de Madagascar, Vanessa, diplômée depuis 2018. Elle a saisi l’opportunité qu’offrait Mercy Ships pour venir faire un stage de deux semaines à bord du bateau, pour une formation continue. Le courant avec elle a immédiatement passé. Sa gentillesse et son humour m’ont permis de me sentir rapidement à l’aise dans ce nouveau milieu.
Si comme moi, tu n’y connais pas grand-chose en anesthésie, tu comprendras ma question toute naïve du premier jour. En m’adressant à Anneli, l’anesthésiste suédoise, j’ai demandé s’il y aurait encore un travail à faire de son côté, une fois que le patient sera endormi. Elle m’a regardé d’un air amusé en m’annonçant que leur travail, c’était de garder le patient en vie. « Our job is to keep the patient alive. » Ah ouais… rien que ça !
J’ai vite découvert que ce métier était effectivement très complexe, qu’il exigeait une attention constante pour garder à l’œil les valeurs du patient (son rythme cardiaque, sa pression sanguine, son taux d’oxygène et de gaz carbonique, etc.) et qu’il s’agissait d’une véritable chimie pour ajuster le taux de médicaments administrée par intraveineuse, toujours en lien avec son âge et son poids. J’ai retenu les deux principaux médicaments (qui se disent « drugs », en anglais…) : Fentanyl et Propofol. Si tu es dans le médical, tu me diras si ce sont les mêmes « drogues » qu’on utilise chez nous ! Compte tenu de cette réalité de vie ou de mort, j’étais soulagée de constater que Vanessa comprenait déjà bien son métier – et que le déroulement des choses n’allait donc pas dépendre entièrement de ma capacité à traduire de manière juste !
Bien souvent, je me suis retrouvée dans l’incapacité de comprendre les mots techniques que ces médecins utilisaient, mais Vanessa les comprenait sans mon aide. Ouf ! Une fois, j’ai même traduit le contraire de ce que j’étais censé transmettre. Il s’agissait d’une manière d’endormir un enfant en lui mettant le masque à oxygène devant la bouche avec une main. De l’autre main, Vanessa devait tenir l’arrière de la tête de l’enfant afin de pouvoir exercer une certaine pression sur le masque. L’anesthésiste, Sarah, a précisé alors qu’elle n’avait pas besoin de serrer la tête fortement, mais qu’elle pouvait laisser un peu de souplesse, afin de permettre au patient de bouger la tête. J’ai compris (et donc traduit) le contraire, et voilà que Vanessa tenait d’une main de fer la tête de ce pauvre petit bout de chou. Lorsque l’anesthésiste m’a regardée d’un air interrogateur j’ai demandé de reformuler, et là j’ai compris ma boulette… J’ai tout de suite avoué que j’avais mal compris – que l’erreur était mienne ! Pas très agréable comme moment – mais :
Avant d’expliquer plus en détail ce que j’ai vu et ressenti au long de la semaine, voici quelques faits :
Sur 5 jours, on a pu :
visiter 3 blocs opératoires (et donc 3 types d’opérations) différents
travailler avec 7 anesthésistes et assistants en anesthésie (essaie de lire ces derniers mots le plus vite possible et en boucle ! ;-))
observer 6 chirurgiens (dont 2 « visages pâles », 3 « blacks » et un asiatique)
admirer le travail de fourmi d’une quinzaine d’infirmières et d’instrumentistes
assister à des opérations maxillo-faciales pour des fentes labio-palatines, ainsi qu’à de la chirurgie générale pour des hernies et des lymphomes
transformer ainsi la vie d’une vingtaine de personnes sur la table d’op : hommes, femmes, enfants (avec une nette majorité de garçons et d’hommes pour les hernies).
Comme Vanessa, il y avait encore 15 autres personnes malgaches à bord pour ces deux semaines, dans le cadre du programme ETA (Education, Training, Advocacy). Ensuite, une nouvelle volée est arrivée pour deux nouvelles semaines, etc.
Afin de verbaliser au mieux ce qui m’a passé par la tête et le cœur lors de ces interventions chirurgicales, je vais tenter d’y aller par les cinq sens, en gardant peut-être les deux plus impressionnants pour la fin : l’odorat et la vue. Âmes sensibles, s’abstenir ! :-)
1. Toucher :
J’ai été surprise par la température au bloc : il y fait encore plus froid que dans le reste du bateau ! (Pas plus de 18 degrés, pour des questions d’hygiène : les bactéries prolifèrent moins bien dans le froid.)
Sur ma peau, les « scrubs » (nom de la tenue de travail en milieu hospitalier) laissait une empreinte douce, chaleureuse et réconfortante. Sur ma bouche, un masque évidemment, pour protéger la vie du patient – détail qui rend la traduction pas évidente ! Mes cheveux : soigneusement cachés sous un calot médical. (Heureusement que j’arrive à nouveau à me les attacher : cela aurait été plus dur il y a quelques mois !)
A part ça : rien à dire sur le toucher, si ce n’est que je ne devais justement toucher à rien, étant donné que tout était stérile !
Ah si, une dernière chose : avant de traduire en salle d’op, on m’a demandé de suivre une formation sur « comment me laver les mains ». Je n’avais aucune idée de la complexité de l’affaire. J’ai appris cette fois les gestes exacts afin de laisser le moins de microbes possibles. Pour info : un vrai lavage des mains devrait durer 20 secondes au minimum – soit le temps de chanter deux fois « Happy Birthday » en entier ! :-)
2. Ouïe :
Avant que le patient n’entre dans la salle, on se réunit (une dizaine de personnes) un bref instant pour dire son nom, d’où l’on vient, et quel rôle on a ici. Ensuite, une des infirmières parcourt rapidement la liste de contrôle de l’OMS (parties rouge et jaune), afin d’assurer qu’on soit tous à la même page pour le patient qui vient. Cela se passe sous forme de questions-réponses : elle qui pose les questions, les personnes concernées qui y répondent. Même procédé à la fin de l’intervention, avant d’envoyer le patient au “PACU” (Post Anesthesia Care Unit - autrement dit, à la salle de réveil). Cette fois, c’est la partie en vert de la liste qu’on parcourt.
Particularités de Mercy Ships : on prend un bref instant chaque matin pour remettre les différentes interventions de la journée entre les mains de Dieu. La plus belle prière que j’ai entendue à cette occasion était celle d’un chirurgien américain qui disait qu’il allait prononcer la prière qu’il fait à chaque fois, avant chaque opération, et qui est très simple : « Notre Dieu, alors que nous allons nous occuper de ces patients aujourd’hui, nous te prions : Sois dans notre cœur. Sois dans notre tête. Sois dans nos mains. Amen. »
Ensuite, le patient entre, accompagné (voire : porté, si c’est un enfant) par un traducteur malgache (la plupart des patients ne parlent ni anglais ni français). Celui-ci reste jusqu’à ce que le patient soit endormi et revient auprès de lui, en salle de réveil. Il lui murmure des paroles réconfortantes et lui explique ce qui se passe.
Après, on entend surtout le bip-bip constant de l’appareil d’anesthésie (où se lisent les données du patient mentionnées plus haut), le timbre généralement bas des conversations entre les différentes personnes impliquées (sauf pour Jenna, l’assistante en anesthésie australienne dont le rire franc et la voix très forte contrastent délicieusement avec l’ambiance feutrée du lieu. On l’entend jusqu’à l’autre bout du couloir !).
Il y a aussi, bien entendu, le fameux “je coupe” du chirurgien, avant l’incision. En anglais, ils disent “incision”, et une infirmière prend note de l’heure qu’il est. Vers la fin de l’opération, le chirurgien dit “30 minutes call”, et l’infirmière comprend qu’elle doit appeler la salle de réveil pour annoncer qu’ils leur amèneront le patient dans une demi-heure environ. Occasionnellement, durant l’opération, on entend le tintement des différents instruments utilisés par les chirurgiens, le bruit du ciseau qui coupe (parfois qu’un seul coup isolé, parfois des coups à répétition. J’y reviens dans un instant…).
3. Goût :
Heureusement, je n’ai goûté à rien ! :-) Mais j’avoue que les images qui défilaient dans ma tête avaient souvent trait à de la nourriture. Au point que je me suis sérieusement demandé à la fin de la semaine si je n’allais pas devenir végétarienne…
Un bon conseil glané auprès d’une personne habituée au bloc, avant de commencer ma première journée : « Prends un p’tit déj ! ». En effet, il valait mieux avoir quelque chose dans l’estomac pour encaisser les différentes impressions. Cela m’a rappelé les grossesses : surtout ne jamais se retrouver le ventre vide ! Ce serait donner carte blanche aux nausées…
4. Odorat :
Vu le masque, l’odeur principale qui m’a accompagnée tout au long était celle de ma propre haleine (tu te souviens, durant le COVID ?)… J’ai vite compris l’importance capitale de me brosser les dents après ledit petit déjeûner. ;-)
Ensuite, eh bien, on m’avait prévenue : c’est souvent l’odeur qui se dégage de la table d’opération que beaucoup de personnes ne supportent pas. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait – et honnêtement, j’ai vraiment pensé que j’allais peut-être tourner de l’œil… Cela n’a pas été le cas heureusement. J’ai constaté au bout de quelques opérations que je trouvais l’odeur de la chair brûlée plutôt agréable, même. (Je n’ai pas osé écrire « appétissante »… mais c’était le premier mot qui m’est venu !) L’odeur de cramé, donc, provient simplement du bistouri électrique, utilisé juste après la première incision au bistouri normal. L’électrique a cette particularité de brûler à vif les différentes couches qui se situent sous la peau en les refermant immédiatement, ce qui empêche les saignements. C’était magique, de voir ce petit outil se frayer un chemin à travers la graisse (partie jaune sous la peau) puis au travers des différents tissus rouges en-dessous, sans que cela provoque le moindre saignement. Cela m’a rappelé un lointain souvenir d’une fois où j’avais brûlé les extrémités d’un lacet de chaussures à l’aide d’un briquet : immédiatement, l’espèce de plastique, en fondant, s’est fermé sur lui-même. J’imagine que le principe est le même pour la chirurgie. Oups, mais je dérive sur le sens de la vue, là. Pardon.
Voici un petit dialogue qui a eu lieu entre moi et l’assistante Jenna, mentionnée ci-dessus :
Elle : « Pouaaah, cette odeur de chair humaine brûlée, c’est vraiment violent ! Tu trouves pas ? »
Moi : « Je respire par la bouche… »
Elle : « Mais c’est PIRE ! tu vas tout ramasser directement dans tes poumons, comme ça !!! »
A mon regard terrifiée, elle a littéralement éclaté de rire, avec sa voix si forte que l’anesthésiste Anton lui a fait les gros yeux en sifflant : « Chuuuuut ! » d’un air sévère. Pas impressionnée pour un sou, elle s’est amusée à re-raconter tout notre dialogue aux chirurgiens qui semblaient trouver ça très drôle aussi. J’aimerais bien que l’assurance de cette Jenna déteigne un peu sur moi – le monde serait un endroit plus agréable avec plus de gens comme elle ! (Jenna, c’est celle que j’ai encerclée en jaune, ci-dessous. Je me trouve 2 rangs derrière elle.)
5. Vue :
La première chose que mes yeux cherchaient en arrivant au bloc : ma photo, accrochée sur la porte d’une des 4 salles d’opérations. Ainsi, je savais dans quel bloc j’allais travailler ce jour-là. Généralement, j’arrivais une ou deux minutes en retard (fidèle à moi-même) – ayant dû abréger au mieux les adieux avec Jules avant d’être engloutie à l’hôpital pendant les 8 heures qui suivaient. Ensuite, je demandais le programme imprimé de la journée, que Vanessa avait reçu. En voici un exemple :
Quant aux couleurs au bloc, il y avait principalement le vert pâle du sol, le beige des armoires murales, le gris, le noir et le jaune des différents câbles et le bleu de nos tenues de travail. A l’exception du vendredi qu’ils appellent ici « funky Friday », où le personnel médical s’habille avec des « scrubs » et des calots un peu différents. Et voici des docteurs et des infirmières qui affichent fièrement des tenues avec des Winnie l’Ourson, des lapinous, des poules et des coqs, des petites fleurs, des abeilles et des kangourous, dans toutes les couleurs possibles et imaginables. (Je vous laisse déduire quel jour ces photos ont été prises…)
Autrement, en parlant des couleurs, j’ai repensé fréquemment au titre du roman de Stendhal que j’avais lu au gymnase : « Le Rouge et le Noir ». En effet, ces deux couleurs étaient omniprésentes sur la table d’opération, avec le sang rouge vif qui contrastait avec la peau noire des patients. Mais contrairement à ce que j’avais peut-être imaginé, je n’ai pas trouvé qu’il y avait beaucoup de sang. (J’ai certainement été chanceuse de ne pas voir d’hémorragie.) Cela restait toujours relativement « beau à voir ». En parlant de beauté : l’opération qui m’a certainement le plus impressionnée était celle où le Dr. David Chan (le gars tout à droite, en blanc, sur la photo ci-dessus) a remodelé un visage d’enfant qui avait une fente labiale. En voyant l’intérêt que je portais à ce qu’il était en train de faire, il nous a fait signe de le rejoindre à la table d’opération, juste en face de lui. Et là, il nous a expliqué que chez cet enfant, la peau sur les joues et le nez s’était comme attachée au mauvais endroit, dû à cette malformation des lèvres. Il a donc dû aller détacher complètement la peau depuis le dessous – en montant depuis la gencive supérieure. Je le voyais s’affairer avec ses petits ciseaux, comme s’il faisait un simple bricolage.
Parfois, il quittait même des yeux son patient pour nous regarder pendant qu’il nous parlait – et ses mains continuaient à couper allègrement. Il a ainsi réussi à détacher la peau du visage quasiment jusque sous les yeux et s’est ensuite appliqué à tout repositionner comme il faut, pour que ce petit visage devienne harmonieux. Quand je l’ai vu terminer son œuvre, en admirant le miracle de cette figure restaurée, ainsi que cette jolie courbe de la lèvre bien refermée, j’ai pris conscience que mes pieds foulaient une Terre Sainte.
Une autre opération qui m’a tirée des larmes était celle d’un vieux petit monsieur. Lorsqu’il est entré dans la salle avec sa chemise d’hôpital, les fesses à l’air, j’ai déjà ressenti une vague de compassion m’envahir. La vulnérabilité à l’état brut. Avant qu’on l’endorme, il nous a adressé un charmant sourire, avec des dents qui partaient dans toutes sortes de directions différentes. Puis, les infirmières ont soulevé sa chemise, et j’ai dû retenir mon souffle lorsque j’ai vu des testicules aussi énormes qu’un ballon de basket. Elles lui descendaient pratiquement jusqu’aux genoux – et je n’ai aucune idée comment il avait réussi à marcher avec cette masse entre les jambes. Je n’ai pas pu m’empêcher de demander aux professionnels à mes côtés s’ils avaient déjà vu quelque chose de semblable. Ils m’ont tous affirmé que non, pas de cette taille-là. Le problème provenait d’une hernie, et selon Vanessa, le patient n’avait probablement pas eu les moyens financiers pour aller consulter un médecin plus tôt. L’avantage avec Mercy Ships, c’est qu’ils prennent en charge tous les frais du patient : du voyage pour parvenir au bateau, à la nourriture nécessaire pour la durée de l’hospitalisation, aux frais médicaux, jusqu’au voyage du retour. Tout est entièrement gratuit !
L’intervention qui allait changer la vie de ce monsieur n’était pas très compliquée – il a fallu surtout vider le liquide (couleur thé froid ;-)) avec un long tuyau glissé par le ventre. Puis, localiser et refermer le trou par lequel l’intestin était sorti de sa cavité, tout en renforçant les tissus musculaires à l’aide d’un petit filet. Remarque : aucune garantie de justesse dans ces propos ! Si tu t’y connais en chirurgie, tu dois probablement rouler des yeux en te disant que je n’ai rien compris… A moins que tu ressembles à ce chirurgien adorable de Namibie, Dr Joseph Musowaya, qui était observateur à mes côtés lors d’une opération d’une autre hernie. J’ai pris mon courage à deux mains pour lui demander s’il pouvait m’expliquer un peu ce que les chirurgiens étaient en train de faire (cela ressemblait à une longue recherche à 4 mains, 2 pinces, sur du tissu aussi frêle que la peau d’une saucisse de veau). Le docteur Joseph a tout naturellement sorti un stylo de sa poche. Sur sa main gauche, il m’a alors dessiné ce que j’étais censé comprendre : le schéma de ce qui se trouve dans le bas ventre, la connexion avec les testicules etc. J’avoue, je n’ai rien compris, mais j’ai profité de lui demander si je pouvais vite faire une photo de sa main… (J’ai dû lui demander de la déplacer un peu d’ailleurs, histoire de ne pas avoir la tête du patient en arrière-plan…).
En repensant à la tête du patient : tu savais qu’on scotchait les paupières des gens, une fois qu’ils sont endormis ? Cela m’a fait une drôle d’impression, les premières fois - comme si la personne était décédée. Mais il semblerait que ce soit nécessaire, pour protéger à tout prix les yeux, afin qu’aucun corps étranger ne puisse venir les endommager durant l’opération, si ceux-ci venaient à s’ouvrir involontairement. (J’ai vérifié auprès de plusieurs anesthésistes de pays différents : ils pratiquent tous cette méthode.)
Dernier détail concernant le sens de la vue : une des plus grandes surprises pour moi a été de constater que je ne voyais pas le temps passer ! Moi qui adore vivre à l’air libre et qui pensais que j’allais souffrir du manque de lumière naturelle - moi qui aime me prélasser après le repas de midi le temps d’une sieste, avec un bon bouquin - moi qui n’ai plus eu l’habitude de travailler à 100% depuis des années… je me suis surprise à avoir l’énergie décuplée face à cette table d’opération ! Au point que j’étais déçue quand la journée touchait à sa fin : j’avais déjà hâte d’être le lendemain matin. Vivement qu’ils auront à nouveau besoin d’un “plan C” !!!
Pour conclure cet article, j’ai envie de te raconter un épisode avec Jules, il y a deux mois en arrière. Au moment du coucher, je lui ai demandé si ça lui plaisait, la vie sur ce bateau. Il a répondu que oui, mais qu’il aurait préféré qu’on ne vienne pas carrément pour deux ans. Puis, il a froncé les sourcils, réfléchi un moment et formulé sa question d’un air songeur : « Mais en fait, Maman, on est venu POURQUOI ? »
J’ai souri – ne m’attendant pas une question aussi existentielle. J’ai réfléchi à mon tour, et j’ai fini par lui répondre : « Tu sais, maintenant, peut-être que tu ne peux pas comprendre pourquoi. Mais un jour, tu le sauras ! »
Depuis que j’ai eu le privilège de voir ce qui se passait à ce “Deck 3”, dans ces salles d’opération et dans le reste de l’hôpital, j’ai compris de mon côté, pour quoi - et surtout - pour qui, on est là.
Un immense MERCI à tous ceux qui s’investissent à nos côtés par des messages, des prières et des dons !
Si vous désirez nous soutenir financièrement, rendez-vous sur le site de Mercy Ships Suisse. Vous pourrez cliquer sur notre nom et faire un don. (Ces dons sont déductibles des impôts.) Précision : nous finançons ce projet par un défraiement de Mercy Ships, par nos économies et par des dons.
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